Periple 50 www.periple.com

Né pour le froid

Loisirs Nautiques 10/2001

Périple 50 n’est pas un bateau comme les autres. Né de l’entêtement et de l’expérience d’un Homme, Jacques Peignon, qui a longtemps couru les mers australes, dessiné par le cabinet Berret/Racoupeau, il fourmille de solutions intéressantes : double quille sabre, safrans relevables, mât-aile tournant, multiples systèmes de barre, double coque… Dernier réglages et premier contact.

Imaginez Pornic, petite ville côtière de Loire-Atlantique, et sa petite plage du château,lové au creux du chemin de ronde menant au port de plaisance et bordés de mouillage envasés à marée basse ; Imaginez maintenant un voilier de 15 mètres posé là, sur la plage, attendant la marée haute, ses dérives profondément enfoncées dans la vase. L’animation habituelle de ce début d’après-midi estival en est contrarié. Pensez donc : 15,19 mètre de long, 4,88 mètres de large, un rouf haut, 13 tonnes lège, 16 en charge et surtout, un mât-aile immaculé. L’engin étonne mais aucun des promeneurs qui discourent sur sa présence ici ne se doute qu’il passera les fêtes de Noël à Ushuaia, avant de descendre plus bas encore vers l’antarctique pour une navigation de sept mois.
Car le projet de Jacques Peignon est bien de repartir dans les mers australes qu’il affectionne pour y avoir séjourné à plusieurs reprises. Son projet à mûri pendant longtemps, il est né des souvenirs laissés par quatre années de tour du monde en solitaire sur une goélette construite de ses mains, de l’expérience de quatre mois seul en Antarctique, de celle, aussi, de la course au large, du charter ou des missions humanitaires. Il s’agissait donc pour lui de concevoir et de proposer un type de voilier parfaitement adapté aux conditions extrêmes des grands voyages vers les mers australes. Et de partir fin octobre de cette année avec quatre équipiers permanents à bord (plus quelques invités ponctuels) pour des destinations inhabituelles : Madère, les îles du Cap-Vert, le Brésil, la péninsule de Valdès, Ushuaia et, le 5 janvier 2002, un grand départ pour l’Antarctique.

Des solutions techniques très bien pensées
A bord, les équipiers ne prêtent guère attention au brouhaha venant de terre. Ils travaillent à installer les derniers éléments et à parfaire les réglages. Périple 50 est sorti du chantier Alumarine il y a à peine quarante-huit heures et n’a que quelques milles dans les voiles : beaucoup de choses restent à faire avant un convoyage vers la Rochelle et le grand pavois. En tête de mât , Sébastien, bosco sur Shenandoa, termine l’installation de la ralingue de génois dans la gorge de l’enrouleur. La trinquette sur était largable est, elle, déjà en place et a servi seule à amener le bateau depuis Nantes.
Sur l’arrière, debout dans le coffre de jupe qui sert de plateforme une fois ouvert, Edouard travaille au réglage de la barre de secours ( une simple perche d’aluminium) et au parallélisme des safrans. Ces derniers se révèlent aisément et demandent deux équipiers pour être retirés à terre. Il est assisté par jacques qui assiste et veille à la bonne avancée des derniers travaux. L’homme est exigeant, à l’image de son bateau. De la jupe à l’étrave, tous à bord est visiblement conçu pour encaisser plus que de raison et assurer sécurité et confort. L’intérieur est traité avec soin. Il ménage un espace agréable dans la timonerie entre le poste de barre intérieur, le pupitre des instruments et la zone de transition vers l’extérieur. Cette plateforme surélevée plonge en avant du mât dans un carré bien conçu : assises confortables, coffres astucieux, finitions très propres… De chaque côté, délimités par deux puits de dérive, deux cabinets de toilette. Vers l’arrière, on trouve à bâbord, en retrait de la timonerie, la cuisine en long, une cabine propriétaire et à tribord, une cabine à trois couchettes. L’ensemble est paraitement isolé. L’espace dans la double coque est moussé, la fasse intérieure encore recouverte d’un isolant, et les hublots fixes et ouvrants, sont doublés. Si tout n’est pas encore terminé, la qualité des finitions et bonne.
Sur le pont, la sécurité passive est portée à son maximum. Trou d’homme en arrière de l’énorme coffre avant pour faciliter et sécuriser les manœuvres, mains courantes à tous les endroits importants (le long du haut cockpit, devant l’entrée de la descente…), porte de descente à double battants verticaux et étanches, comme celles des cabines intérieures, à la manière de ce que l’on peut trouver sur les très grosses unités de marine marchande. Même le mât offre un volume de flottabilité non négligeable, qui plus est très bien placé si le bateau se couche.
Le système de barre offre quatre solutions pour mener le bateau : une barre à roue d’un mètre de diamètre dans le cockpit en arrière des winches de trinquette, la roue étant démontable pour être installée à l’intérieur dans la timonerie et profiter ainsi d’un poste de barre abritée. Le joystick du pilote hydraulique peut également être utilisé… ainsi que la barre de secours directement fixée sur le safran tribord en cas dépanne des autres systèmes.

Un essai à valider
Les deux ancres sont semi-encastrées de chaque côté, embarquent 90 mètres de chaîne chacune, disposent d’un système de relevage astucieusement reculé au niveau des cadènes pour ne pas mettre trop de poids sur l’avant et sont actionnées par deux guindeaux électriques. Même l’annexe rompt avec celles que nous connaissons. Evolutive, elle est en réalité multiple. Le fond rigide, habillé de ses boudins en configuration six personnes, peut se diviser pour constituer une unité plus facilement manipulable en cas de besoin. Jacques prévoit d’ailleurs de faire réaliser un boudin sur mesure pour cette variante. Elle se démonte et se range dans le coffre de jupe.
Les conditions de ce premier rendez-vous ne permettent pas de se forger une opinion précise sur le comportement du bateau dans ses futures navigations : moins de 10 nœuds de vent, une mer calme et des safrans pincés faute d’avoir trouvé le bon réglage avant la marée. Mais déjà il impressionne. Son déplacement léger (13 tonnes lège seulement pour une construction superlative) le fait se déhaler tranquillement, il se cale sur sa route et suit son cape seul, sans effort. Une fois lancé, il se révèle assez simple à mener malgré le nombre important de manœuvres : les réglages de voiles et dérives reviennent dans le cockpit, la trinquette autovireuse facilitera les virements dans le gros temps… Seules les drisses et bosses de ris nécessitent une intervention au pied de mât mais les mains courantes et le haut cockpit devraient rendre ce trajet moins acrobatique.
Il est impossible de dire aujourd’hui si cette unité sera le premier exemplaire d’une série, le retour de l’équipage d’Antarctique dans sept mois nous en dira sans doute davantage. Même si ce bateau est né de l’entêtement d’un homme à vouloir repartir naviguer dans les zones difficiles, il est d’un évident intérêt technique par le nombre et la qualité des solutions proposées.

Zoom
Descente : Le cockpit offre un poste de veille protégé par la casquette en arrière de la timonerie, avec main courante et barre de calage sur l’assise, passe-plat et porte double battant vertical étanche vers l’intérieur.

Dérives : deux quilles sabres lestées de 1500kg dans leur fond assurent un tirant d’eau de 3,20 mètres et peuvent être sorties par le pont. Permettant l’échouage ou l’approche en eaux peu profonde, cette solution présente l’avantage d’un couple de redressement suffisant, sans surpoids, tout en ne sacrifiant pas trop les aménagements intérieurs par l’obligation d’un puits central. Elles se relèvent grâce à un système de palan au mât (sous les barres de flèche) actionné depuis le cockpit par des winches électriques.

Safrans : Conçus pour les mers australes, donc sujets à des chocs ou à l’échouage, les deux safrans relevables sont montés dans des boîtes qui pivotent. Les pelles sont liées par une barre d’aluminium montées sur rotule, mécanisme extérieur à la coque pour faciliter le relevage.

Gréement : Le mât présente une corde de 50 centimètres et répond à la double volonté de se passer de la gestion d’un tourmentin dans les gros coups de vent et, au besoin, de ne pas surcharger dans les hauts grâce à la réduction de la hauteur à 18,80 mètres. Ses 8,75m2 de surface totale, devraient permettre de naviguer à sec de toile tout en contrôlant le bateau.

Construction : Construit en aluminium pour sa légèreté et ses capacités de déformation, Périple 50 répond à une double exigence d’autonomie et de sécurité dans les mers australes, donc à l’impérieuse nécessité de résister aux chocs des grawlers et à la compression de la glace. Ainsi, sur un réseau de lisses, la double coque est constituée de deux parois séparées d’un espace de 85mm rempli de mousse qui assure un volume de flottabilité de 4,5m3. Le surpoids engendré n’est que de 500kg et le coût toujours inférieur à celui d’une coque acier. Et cela présente l’avantage d’une meilleur isolation.

Article d'Eric de la Garanderie publié dans Loisirs Nautiques N°358
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