Periple 50 www.periple.com
Revue de presse


C'est parceque chaque détail de ce 4X4 des mers a fait l'objet d'une collaboration étroite navigateur-architecte, que nous vous invitons dans ce numéro à un parcours détaillé - de l'étrave jusqu'au tableau...

Annexe
Dérive
Safrans
Mouillage
Gréement - Accastillage
Cockpit descente
Aménagements
Imaginer le pire
Berret-Racoupeau,
Motorisation
Puissance
Arbre/hélice
Charge
Accès
Refroidissement


Annexe

C'est un peu le complément du mouillage et du moteur. Elle est à la fois un élément de sécurité active et un élément de confort indispensable dès qu'on sort des régions équipées en infrastructure. Sur 50 pieds, la possibilité de rentrer à l'arrière une carène rigide semi-planante paraît difficile.
D'autre part, pour des questions esthétiques, Jacques ne voulait pas à l'arrière d'encombrement visuel avec la présence de bossoirs. Le choix c'est donc porté sur une annexe évolutive que l'on rentre par la jupe dans le fond du cockpit - moteur vers l'avant - en pensant encore au centrage des poids. On part d'une petite carène en alu de 2,50 x 1,50 équipé d'un moteur de 3CV. On peut les rallonger à l'arrière jusqu'à 4,20 mètres pour embarquer 6 personnes. En utilisation hauturière ou dans les baies ventées, on lui rajoute un boudin gonflable. On dispose dans ce dernier cas d'un semi-rigide avec moteur de 25 CV. Le travail d'adaptation de l'annexe se fait dans le fond de cockpit, équipé de rouleaux de guidage.

Dérives
Encore une signature de ce bateau hors norme. La volonté a été de conserver un déplacement relativement léger. La formule traditionnelle du dériveur intégral a donc été exclue et on se retrouve ici en présence d'une configuration originale : deux quilles sabres réalisées en alu et lestées de 1,4 tonne de plomb chacune dans leur partie basse. Pour assurer un couple de redressement suffisant, le tirant d'eau est porté à 3,25 m en navigation hauturière avec une position d'approche à 2,20 - où on ne pourra pas tirer tout le parti du plan de voilure, mais qui continue à assurer une stabilité suffisante - et enfin une position intégrale où seule la navigation au moteur est autorisée. Alors, pourquoi deux dérives et pas une seule allez-vous dire ? Ici, le principe n'est pas de disposer de profils asymétriques que l'on descend alternativement d'un bord ou de l'autre. On navigue les deux dérives descendues et le bateau a besoin des 3 tonnes pour s'assurer une bonne stabilité. Si le choix s'est porté sur deux profils plutôt qu'un, c'est d'abord pour une raison de manipulation : sur Périple 50, chaque profil est renvoyé par un système de palan au mât pour redescendre ensuite vers les winches de génois qui sont prévus électriques de série. Ce système n'est pas san rappeler le 50 pieds de Pete Goss sur lequel les deux dérives débouchaient également à l'aplomb du mât avec un système très rationnel de palan renvoyé au premier étage de barres de flèche. Le fait de doubler les profils permet aussi de limiter sérieusement les efforts pour la manipulation : une seule dérive de 3 tonnes et il fallait passer à de l'hydraulique. Enfin, ce choix permet d'envisager une trame d'aménagements très ouverte, sans le classique encombrement du puits central. Ici, les deux puits sont logés sur les côtés et servent de cloisons aux W.-C. et cabinet de toilette. A l'intérieur, on oublie qu'on navigue sur un dériveur intégral. Dernière question posée à l'architecte : pourquoi, vu la volonté de réaliser un bateau performant, ne pas avoir dessiné deux quilles sabres à bulbe (afin de descendre encore le centre de gravité) ?
Réponse : tout simplement parce que le système de remontée par le mât avec des puits ouverts sur le pont permet de loger des profils très longs. La présence d'un bulbe se justifiait dès lors beaucoup moins compte tenu des complications qu'ils entraînent. Ainsi, les quilles peuvent être démontées et extraites de leurs puits par le pont - pour contrôle ou entretien.

Safrans
Le programme de navigations australes imposait de prévoir un safran relevable, ici le choix de deux safrans est apparu naturel pour des raisons de sécurité et de contrôle du bateau. Pour ne pas compliquer le système de relevage, la liaison entre les deux pelles se fait par l'extérieur à l'aide d'une tringle montée sur rotule et installée entre les deux mèches. Ainsi lorsqu'un safran est relevé, on peut continuer à barrer avec l'autre sans problème. Les pelles sont en alu, montées sur des mèches surdimensionnées afin de pouvoir talonner. L'ensemble est intégré à une boite qui pivote autour de son point haut, le fusible étant actionné par un système hydraulique.

Mouillage
Les ancres sont semi-encastrées. leur forme permet un bon calage sans que l'encastrement soit intégral, ce qui aurait en plus nécessité un gros travail de chaudronnerie. Leur position sur le bordé permet une utilisation immédiate, sans risque pour l'étrave. Pour éviter de trop charger l'avant et conserver tout de même une excellente qualité de mouillage, les concepteurs ont choisi de renvoyer les 2 x 90 mètres de chaîne dans des puits au niveau des cadènes. Les ancres, elles restent à l'avant mais - de type Fortress - elles ne pèsent que 15 Kg chacune. Ce choix d'ancres modernes, aujourd'hui éprouvées, permet d'envisager réellement de les transporter avec l'annexe, ce qui serait beaucoup plus délicat avec des mouillages traditionnels en acier (45 kg pour assurer le même travail qu'une Fortress 15 kg).
Il n'est pas prévu de mouillage arrière spécifique. En revanche, la présence de deux ancres à poste à l'avant offre la possibilité de rabouter les deux chaînes pour laisser filer 180 mètres. Les deux guindeaux électriques à axes verticaux semi-encastrés viennent bien entendu seconder le travail de l'équipage.

Gréement - Accastillage
S'il est bien un détail de ce voilier qui ne manquera pas d'étonner les amateurs de grand voyage, c'est le gréement. Le mât n'est pas à proprement parler une aile mais avec ses 50 cm de corde et la possibilité de le faire pivoter, il participera activement à la propulsion. Ce choix a permis de limiter le tirant d'air ce qui est un gage de sécurité et de confort au mouillage. Pour descendre le capelage et augmenter le pied des haubans (8°), le bateau est gréé en 7/8e. le profil - actuellement en alu, mais une étude pour du carbone est en cours - a presque autant d'inertie en latéral qu'un mât cylindrique (il est équipé en plus d'un losange) alors qu'en longitudinal le rapport est de 1 à 4. Cet avantage permet de se passer de pataras. Seule une paire de bastaques d'appont est prévue pour les longs bords, mais les haubans poussent déjà de 30° vers l'arrière. C'est une garantie qui ajoutée à l'inertie du profil, repousse très loin le risque de le voir partir sur l'avant. La grand-voile est lattée avec un rond assez important, permis par l'absence de pataras. le triangle avant est divisé avec un génois à 110 % sur enrouleur et une trinquette auto-vireuse : celle-ci est montée sur emmagasineur (un enrouleur ne s'impose pas puisque l'utilisation est binaire : entièrement déroulée ou pas du tout) et peut se ranger dans un coffre prévu sur la plage avant. Cette option permet d'avoir une plage avant complètement dégagée, ce qui est intéressant non seulement pour la circulation mais aussi pour les virements sous génois. Enfin, l'emmagasineur pourra être utilisé à l'occasion pour un genaker. Pour ce faire, Jacques compte installer un petit tube de tangon pour réaliser un bout-dehors. On peut reprendre la sous-barbe sur bâbord ou tribord au niveau du point d'accroche des mouillages où seront frappées deux petite estropes. Ainsi, le tube peut à la fois servir de bout-dehors et de tangon pour le portant afin de naviguer en ciseau. Pour le reste de l'accastillage, l'ensemble des drisses et bosses de ris restent au pied de mât.

Cockpit descente
Jacques a voulu un cockpit ouvert sur toute sa longueur. Le traditionnel rempart de la barre d'écoute a été renvoyé sur la timonerie. Seuls les quatres winchs répartis symétriquement bâbord/tribord, viennent encombrer l'espace sur les plats-bords qui ne sont autres que le long roof qui court presque jusqu'au tableau arrière et ceinture donc le cockpit. C'est cette zone qui sert d'assise au barreur, sachant qu'il n'y a qu'un niveau dans ce cockpit. La position risque d'être usante à la longue mai Périple 50 laissera certainement plus souvent les rènes au pilote qu'au régatier. La barre franche centrale sur fausse mèche en fond de cockpit laisse une circulation parfaitement libre jusqu'a la jupe - un point fort sur un voilier d'expédition où les allers retours annexe/intérieur font partie du quotidien. Dans ce sens, la descente a elle aussi été soignée. Point névralgique du bateau, elle doit posséder plusieurs qualités comme une bonne ergonomie, une parfaite étanchéité. Qui plus est, JAcques Peignon voulait une séparation stricte entre parties humide et sèche. C'est la solution du SAS ouvert qui a été retenue en se servant de l'arrière de la timonerie comme casquette. Une première marche permet de ménager une hauteur sous barrot de 1 mètre 60 sous la casquette avant de rentrer dans la timonerie. C'est suffisant pour se défaire d'un ciré. Suffisant aussi pour faire la veille assis. Par contre la facilité de passage à l'intérieur demandera peut-être une certaine habitude.
Enfin dans ce SAS, on accède également au puits de l'arbre avec intervention sur l'hélice.

Aménagements
Ce n'est pas le point le plus novateur de ce voilier et nous le traiterons donc plu rapidement. La solution des deux dérives permet d'obtenir un jolie volume de vie, réparti entre carré et timonerie. On ne souffrira donc pas de cloisonnement soutenant le mât posé sur le pont, ni de l'absence de volume amputé par les deux ballasts de 1300 litres : l'impression d'espace entre la descente et cette cloison bénéficie d'une longueur de 6 mètres avec 2 mètres de HSB, ce qui est très confortable.
La cuisine a été renvoyée en coursive tandis que W.-C. et cabinets de toilettes sont logés en vis à vis entre la coque et les puits de quille. Dans la zone arrière, on a le choix entre trois dispositions d'aménagements selon le nombre de couchettes désirées. Pour ce qui est des rangements, mention bien aux coffres sous les banquettes du carré : réalisé en aluminium, ils peuvent recevoir 300 à 400 kg de conserves (bien placées à cet endroit) sans broncher. En revanche, les volumes de rangement étant limités (ballast), il faudra condamner une des cabines si l'on veut pouvoir stocker tout l'avitaillement d'un hivernage austral.
On pourra cependant compter sur le volume avant de 4 mètres de long, aménagé en soute avec un panneau de 2 mètres carrés en alu ménagé en soute avec un panneau de deux mètre carrés en alu ménagé dans la cloison et verrouillable par l'intérieur. La charge utile de 3 tonnes 5 et ces dimensions laissent envisager de caser au hasard des kayaks de mer, des vélos et pourquoi pas un ULM Miguet "Balerit 1000" ! Fini les vélos qui rouillent sur le pont ou la planche à voile dans les filières qui à la première vague tordent les chanceliers.

Motorisation
Puissance
POur 50 pieds et 15 tonnes en charge, 100 CV ne paraissent pas nécessaires. Cette surmotorisation répond à une triple volonté : atteindre une vitesse de croisière de 8 noeuds à la moitié du régime. Pouvoir se décoincer dans des mouillages délicats ou entre les blocs de glace. Appuyer la puissance des voiles sur les longues étapes ou au près dans du vent fort. La remontée des canaux de Patagonie vers le nord est à cet égard un bon exemple de navigation où l'on est heureux de faire seconder par la mécanique.

Arbre/hélice
C'est le morceau de bravoure puisque l'ensemble remonte grâce à l'aide de l'hydraulique, pour éviter d'être un frein en navigation et pour les besoins de l'hivernage austral. Cette configuration a de nombreux avantages : changement d'hélice dans le bateau, possibilité d'inspections régulières du mécanisme, plus de plongées en cas de blocage par bouts ou filets... D'autre part, on peut faire d'entrée le choix d'une hélice très propulsive - et donc très pénalisante sous voile - puisqu'en navigation, l'ensemble ne traîne pas dans l'eau. En revanche, la présence du puits et la lourdeur du mécanisme grèvent certainement le déplacement du bateau de 200 Kg. La seconde particularité de cet arbre est qu'il est pivotant latéralement. On peut donner de l'angle sur bâbord ou tribord pour aider la manoeuvre et contre carrer le pas de l'hélice. Sur un grand bateau, cette option permet de compenser l'absence de safran dans l'axe de la poussée et d'éviter l'option propulseur d'étrave.

Charge
L'essentiel de la charge est assuré par un alternateur attelé de 50 Ah. Le bateau dispose pour alimenter le circuit électrique de 400 Ah "sous" 24 V en servitude. Une consommation journalière de 10 A permet d'entrevoir une autonomie de 20 heures (si l'on considère qu'on ne descend pas les batteries gel en dessous de 50 % de leur capacité), qui nécessite ensuite 4 heures de charge pour revenir à 100 %. Pour charger, on laisse descendre l'arbre dans l'eau, ce qui freine de 0,5 à 1 noeud pendant cette durée. Ce choix permet non seulement de ne pas avoir à faire tourner le moteur à 20 ou 30° de gîte, mais assure en plus un bon équilibre entre confort électrique et vitesse sous voile, somme toute assez peu pénalisée. Le pilote et le frigo pourront être utilisés à volonté !

Accès
L'accès au moteur se fait par la timonerie avec une trappe séparée en deux dans le sens de la longueur. En n'ouvrant qu'un battant, on peut ainsi descendre dans le local ou travailler depuis la timonerie sans gêner le passage du reste de l'équipage.

Refroidissement
Pour éviter le risque de ne plus pouvoir pomper d'eau de mer dans les glaces ou d'encrasser en permanence les filtres dans l'eau des fleuves, on a opté pour un système de refroidissement par le fond de coque. Ce système n'est pas nouveau. Bien connu sous le nom de keel-cooling, il s'avère tout simplement très logique dans le cas d'un bateau en alu avec double peau : on fait circuler l'eau entre les lisses dont on se sert comme chicanes. La "boite" est fermée par la double peau et par les deux membrures devant et derrière. Pour éviter d'être trop refroidi dans les eaux glacées, on peut diviser la surface d'échange en deux : 8 mètres carrés en eau froide. Pour l'échappement sec (l'utilité du keel-cooling étant de se passer de pompe à eau de mer, on ne va pas en rajouter une pour l'échappement !), il était prévu au départ de faire dégager les gaz par le mât de charge à 4 mètres de haut. Pour des raisons de tuyauterie, on a préféré finalement un échappement sous-marin.

Imaginer le pire
En nous faisant découvrir son projet et sa passion pour le sud, Jacques Peignon nous confiait : " ce qui m'attire dans les latitudes extrêmes, c'est l'équilibre entre les difficultés et les joies du hors piste ". Joie formule qui n'élimine pas les dangers objectifs de la navigation, même pendant l'été austral. Les deux plus importants écueils restent de percuter un objet flottant pouvant endommager le bordé et/ou la structure ainsi que le retournement dans de la mer très formée. Pour les voies d'eau, on peut dire que le bateau paraît armé. Jugez plutôt : double peau avec échantillonnage généreux, deux cloisons étanches (mât et le boîtiers de safrans) pour que l'eau ne parvienne pas jusqu'à l'intérieur. Si tel était le cas, Périple 50 peut compter sur le volume de mousse ainsi que le volume de ballast qui ajoutés l'un à l'autre doivent le rendre insubmersible - pas au sens où l'entend la législation et il vaut mieux parler d'incoulabilité. Cela reste tout de même une garantie de taille, sachant que la survie dans un radeau laissé à l'abandon dans de l'eau approchant de zéro ne laisse guère de chance à l'homme. Le retournement a lui aussi été envisagé comme une éventualité à laquelle un bateau de 50 pieds, même doté d'une courbe de stabilité rassurante, n'échappe pas. Le discours des architectes du commanditaires est sur ce point très clair : " Ca peut se retourner mais il faut absolument que ça revienne à l'endroit ". Sur ce dernier point, on citera bien sur le volume et la rondeur des superstructures, la possibilité de ballaster avec des pompes et des batteries qui fonctionnent jusqu'à 180°. Jacques rajoute à cela un mât aile qu'il pense plus solide et moins dépendant d'un jeu de câbles qui multiplie les risques e rupture - mât aile qui sera d'autre part moussé pour rendre le bateau plus instable à 180° ou au moins l'empêcher de passer la barrière fatidique de 110-120° de gîte.

Berret-Racoupeau, le cabinet à l'écoute
Dites " Bateau de voyage " et vous ne penserez pas forcément au cabinet rochelais. Pourquoi ? D'abord parce que d'autres architectes ont fait de cette part de marché leur domaine de prédilection et qu'ils devenus des incontournables du genre. Ensuite parce que la vision du bateau de voyage reste encore figée sur quelques modèles phares. "Pourquoi ne pas voyager sur un JFA 50 répond Jean Berret ? C'est un bateau qui n'a pas forcément le look, mais il a pourtant été dessiné selon ce cahier des charges. " Par contre, l'architecte reconnaît que Périple 50 est son premier bateau destiné spécifiquement aux navigations polaires. La personnalité de Jacques Peignon est certainement pour beaucoup dans la décision de faire naître ce bateau. Lorsqu'on demande à ce dernier pourquoi il est allé voir Berret-Racoupeau pour ce dessin, il répond très simplement : " j'ai déjà travaillé avec Jean pour la Mini Transat avec Iles du Ponant en 1981. On se connaît et c'est important. Sa principale qualité pour un projet de ce type c'est qu'il sait écouter, dire oui (mât aile, ballast), mais aussi non lorsqu'il n'est plus d'accord. J'avais par exemple imaginé une solution de lest mobile latéralement sur rail à l'intérieur du bateau pour éviter la perte de volume du ballast. Là, on m'a dit non et lorsque je vois aujourd'hui le produit fini, je trouve que c'est très bien comme ça. "

Pierre-Marie Bourguinat
Loisirs Nautiques numéro 309 - septembre 1997

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de la revue Loisirs Nautiques

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