11 février 2004
Crozet
Journal de Bord
A la barre devant les îlots des apotres
Position, Base alfred Faure, île de la Possession, Crozet.
Nous voilà sur le point de quitter l’île de la possession et l’archipel Crozet après une brève mais très enrichissante escale.
Nous sommes arrivés samedi dans l’Ouest de l’archipel, un peu fatigué, après avoir essuyé une importante dépression mercredi 4 février puis une deuxième jeudi.
Comme à l’accoutumé dans ces mers du Sud, le centre dépressionnaire ce situait sur les 60èmes avec des isobares très rapprochées dans les 40èmes. Le vent qui soufflait à plus de trente nœuds du Nord, Nord-Ouest a tourné Sud Sud-Ouest à la remontée du baromètre. La mer très agitée s’est alors désordonnée et une houle croisée est venue compliquer encore plus notre navigation. Sans avoir le plaisir de voir apparaître une petite éclaircie, une deuxième dépression est venue nous secouer un peu plus. C’était pour l’équipage une première mise en jambe indispensable en prévision des prochaines semaines de mer qui ne seront sans doute pas de tout repos et durant lesquels se succèderont régulièrement des trains dépressionnaires comme celui-ci.
C’est à la lueur des premiers rayons d’un soleil discret que nous avons découvert les îlots des Apôtres samedi matin. Malgré cette aube grisonnante c’était pour nous tous une joie immense que de voir ces premières îles et de se réveiller au milieu d’un concert de cris d’otaries et d’oiseaux. Autour du bateau, une nuée de petits pétrels et d’albatros voltigeaient et planaient, visiblement intrigués par notre présence. La douzaine de « rochers » qui forment le groupe des Apôtres, s’éparpille en pics sombres ou en hautes terres bordées d’impressionnantes falaises. En longeant l’archipel nous avons néanmoins aperçu une faune variée qui colonise chaque recoin disponible. Nous avons ainsi put observer des colonies d’albatros à bec jaune et d’albatros à tête grise qui occupent les pentes herbeuses et des gorfous macaronis qui sautillent de rochers en rochers pour rejoindre leurs nids installés à flanc de falaise.
Arrivée devant l'île des cochons et la grande colonie
Traversant les 6 miles qui séparent les Apôtres de l’île aux cochons, nous avons découvert un peu plus tard la formidable colonie de manchots royaux qui s’étend sur les pentes douce de l’île. Avec 1 million d’individus c’est la plus grande colonie du monde. Les plages de sable noir qui bordent l’île et où déferlent de gros rouleaux d’écume accueillent un va et vient perpétuel de manchots qui arrivent de mer ou qui y retournent. A cette époque les poussins sont déjà gros et quémandent constamment de la nourriture à leurs parents qui se relaient pour aller en chercher. Il n’y a pas de temps à perdre car l’été austral est court et il seuls les poussins ayant accumulé suffisamment de réserves arriveront à passer l’hiver. Les manchots royaux, qui sont les deuxièmes plus gros manchots après le manchot empereur, se nourrissent principalement de petits poissons pélagiques (myctophidae) et de céphalopodes qu’ils attrapent au cours de plongées pouvant dépasser les 10 minutes, à des profondeurs moyennes de 25m mais avec des records enregistrés à 322m. Durant l’hiver, les adultes de reviennent que rarement et les poussins doivent jeûner longtemps pour survivre. Les plus faibles seront la proie des pétrels géants qui s’attaquent à tous les individus trop maigres ou malades. Durant cette période, la croissance des poussins est arrêtée et ne reprendra qu’au printemps avec le retour plus régulier des parents et des nourrissages.
Sur l’île de la possession que nous avons découvert lundi, des scientifiques travaillent sur la base Alfred Faure pour comprendre la physiologie de ce drôle d’oiseau. D’autres scientifiques étudient les pétrels, les grands albatros, la flore, l’atmosphère ou bien encore la géophysique. Actuellement 25 personnes vivent sur l’île. Ce sont des militaires qui assurent le fonctionnement de la base, des contractuels réunionnais et des volontaires civils qui viennent travailler pour des laboratoires de recherches. Tout ce petit monde cohabitent pour un an sur l’île, assurant ainsi la présence française à l’autre bout du monde. Nous avons été très bien accueillis par le chef de district, Philippe le Prieur, le médecin, olivier "Mr puic" et les autres hivernants qui nous ont invité à manger et à rentrer durant quelques heures dans l’intimité de la vie de la base. L’hivernage sur ces îles est un moment fort et exceptionnel. Le navire ravitailleur, le Marion Dufresne ne passe que 3 ou 4 fois par an et dans ce contexte le passage de notre voilier est un petit événement. La base malgré sa petite taille est équipée de tout le confort possible avec une salle vidéo, une bibliothèque, une salle de loisirs, et lorsque le temps le permet les hivernants partent à la découverte de l’île. Comme nous, ils ont tous ont été impressionné par la faune très riche de cet endroit. Au « jardin japonais » par exemple, au pied du « cap vertical » sur la côte Nord, cohabitent otaries, gorfous sauteurs et gorfous macaronis, albatros, manchots royaux et manchots papous, éléphants de mer et pétrels. La plus part de ces animaux sont peu craintifs et se laissent facilement approcher et photographier. Après quelques mois ici les témoignages des hivernants sont unanimes et tous sont sous le charme de cet endroit unique et exceptionnel.
Passage au pied du cap vertical
Au fil des jours, les listes des petits travaux, des bricolages et des choses à faire sont venus noircir les marges de notre journal de bord. Nous les rayons au fur et à mesure que nous travaillons mais il s’en ajoute toujours et nous avons profité de cette escale pour avancer un peu plus et à l’occasion demander un peu d’aide ou de matériel à la base. L'accueil qui nous a été fait à Crozet a là encore été exceptionnel et tout a été fait pour nous aider dans la mesure du possible. Aujourd'hui nous invitons les membres de la 41ème mission à visiter notre bateau en remerciement de leur aide.
Glory of the sea au mouillage en baie du marin sur l'île de la possession
Nous devrions repartir en direction de Kerguelen dans la journée avec l'espoir de toucher les côtes de l'archipel en fin de semaine.
A bientôt donc pour des nouvelles de la mer et des 50èmes,
toute l'équipe de Glory of the Sea.