16 février 2004
Quitter Crozet
Journal de BordNous avons appareillé de la baie du Marin il y a maintenant 2 jours et faisons route sur l'archipel des Kerguelen. Après une matinée d'attente au mouillage afin de laisser passer une dépression en cours, nous nous dirigeons vers les cinquantièmes et nous devrions atteindre les «Iles de la désolation» d'ici 2 jours environ. Poussés par des vents de 20 à 25 Nœuds de Sud Ouest nous naviguons actuellement à 7,5 Nœuds de vitesse moyenne.
C'est avec un pincement au cœur que nous venons de laisser dan notre sillage Crozet et les membres de la 41éme mission de la base Alfred Faure. Nous leurs adressons tous nos remerciements pour leur formidable aide et leur accueil familial en espérant que leur brève visite à bord leurs aura permis de jouir d'une autre facette de l'île du bout du monde sur laquelle ils hivernent. La vie à bord est de nouveau rythmée par les manœuvres sur le pont et les quarts de veille. C'est à cette occasion que nous apercevons parfois la lueur des feux de navigation des navires de pêche travaillant dans la Zone Economique Exclusive de l'archipel.
Lors de notre escale, Philippe Le Prieur, Chef de District de Crozet (Discro) nous a expliqué que 4 unités françaises sont autorisées à pêcher dans la zone. Hormis l'application d'une réglementation stricte elles sont non seulement tenues de respecter un quota de capture mais aussi d'accepter la présence d'un observateur à leur bord. Ces palangriers exploitent la légine (Dissostichus eleginoides); poisson vendu à prix d'or sur le marché Japonais et qui attise toutes les convoitises des flottilles internationales. C'est ainsi qu'une pêche illégale difficilement contrôlable s'organise parallèlement. A l'insu des bâtiments de surveillance de la marine nationale, nombre de navire viennent tendre leurs palangres (lignes de fond munies d'hameçons appâtés) sur des fonds pouvant varier de 500 à 2000m non sans impact écologique. Outre l'effondrement rapide du stock de l'espèce ciblée, de nombreuses captures accessoires, dont les raies et les grenadiers, ne sont pas conservées et font donc les frais de cette exploitation sauvage. L'impact sur l'avifaune est aussi des plus inquiétant puisque Pétrels à menton blanc (Procellaria aequinoctialis) et Pétrels gris (Procellaria cinerea) en tentant de capturer les appâts lors du filage des lignes (mise à l'eau) sont victimes des hameçons meurtriers. Il est également fort probable que orques et cachalots fassent l'objet de coups de feux de la part de ces pêcheurs peu scrupuleux étant donné le manque à gagner qu'ils occasionnent en venant s'alimenter sur les lignes.
D'autre part tous ces navires industriels illicites génèrent bien évidemment un volume considérable de déchets qui n'ont d'autres lieux de stockage que nos océans. Quel dommage pour de tels sanctuaires naturels!
Encore quelques jours de navigation accompagnés par les albatros et nous aborderons Kerguelen par le Nord. Lors de notre escale à la base de Port aux Français, nous espérons enfin pouvoir résoudre notre problème récurent de pompe hydraulique du pilote automatique afin d'exploiter au mieux les capacités de notre embarcation lors notre prochaine étape : Kerguelen, Terre Adélie. Des vastes baies aux profonds fjords nous suivrons la trace des pionniers, phoquiers et explorateurs et nous vous ferons partager nos découvertes.
Position le 14/02/04 à 00:00 TU: 47°21'S/58°01'E
Bien amicalement,
toute l'équipe de Périple Terre-Adélie.